La vie paraît simple de prime abord. Rencontrer quelqu’un, tomber amoureux, se marier, et vivre heureux jusqu’à ce que la mort nous sépare. Mais pas pour Joan Peterson. Chaque fois qu’une idylle naît, elle est arrachée à son monde et projetée dans une autre vie, avec d’autres problèmes, d’autres tourments. Piégée dans un cycle de romances perpétuelles, repartant toujours de zéro, avec des hommes différents, elle va tenter de se frayer un chemin jusqu’à – s’il existe – trouver « l’amour éternel ». Suivez les aventure de Joan dans Love Everlasting.
Dans l’univers de Tom King, la déconstruction est le maître-mot. S’inspirant d’Alan Moore, bien que d’une manière moins cynique, King explore régulièrement les recoins psychologiques de ses héros fictifs. Cette tendance est particulièrement perceptible dans ses travaux chez DC, tels que Mister Miracle et Strange Adventures, où il démystifie les personnages principaux et brouille les frontières entre réalité et fiction. Cependant, avec sa première incursion chez Image Comics, Love Everlasting, King nous offre quelque chose de radicalement différent.
Ce projet, fruit de sa collaboration avec l’artiste Elsa Charretier, se démarque à plusieurs égards. L’histoire met en scène Joan Peterson, prisonnière d’un cycle de romances sans fin, aussi terrifiant que captivant. Chaque fois qu’elle tombe amoureuse et trouve une certaine stabilité, elle est brusquement arrachée à son monde pour être plongée dans une nouvelle histoire, toujours empreinte de mélancolie.
Tom King démontre avec des séries comme Mister Miracle et Batman qu’il sait écrire sur la romance et n’hésite pas à mettre en avant les démonstrations d’affection entre ses personnages. Pourtant, malgré les multiples exemples d’hommes exprimant leur amour envers notre héroïne, une résolution satisfaisante semble toujours échapper à ses personnages. C’est là, peut-être, la quintessence de Love Everlasting, et peut-être aussi son plus grand défi.
Love Everlasting offre une promesse intrigante. Joan voyage à travers les époques, passant des années 1950 où elle incarne une secrétaire aux années 1960 dans la peau d’une hippie. Elle perd progressivement le contrôle d’une réalité construite sur des romances avec divers hommes. Un cow-boy mystérieux apparaît comme un antagoniste récurrent, intervenant lorsque les romances virent à l’aigre, généralement vers la fin du numéro. Cela crée une dynamique qui rappelle les récits romantiques classiques que l’on a déjà rencontrés à maintes reprises.
Cela dit, certains numéros se démarquent par un développement de personnages plus approfondi. Chaque histoire, centrée sur les bibliothécaires ou basée sur la Première Guerre mondiale sont des exemples notables. Cependant, dans l’ensemble, King ne parvient pas à apporter la subtilité nécessaire à ces nombreuses histoires d’amour. Les sauts temporels, bien que stimulants, souffrent parfois d’un excès d’ingéniosité, un problème que l’auteur a déjà rencontré dans Batman/Catwoman.
La dernière partie approfondit indéniablement la psychologie de Joan, mais il laisse des questions en suspens quant à la durée prévue de cette série. Il est à espérer que les futurs numéros apporteront davantage de nuances et de profondeur à cette exploration complexe des liens entre le temps et l’amour.
Si Love Everlasting laisse un certain goût d’inachevé dans sa narration, il trouve sa véritable grâce salvatrice dans l’art exceptionnel d’Elsa Charretier. Célèbre pour son travail sur Novembre, écrit par Matt Fraction, Charretier évoque le génie de Darwyn Cooke avec un style rétro qui s’intègre parfaitement à toutes les périodes historiques, même lors des moments les plus dramatiques et ensanglantés. Chaque page d’accueil évoque avec bonheur les couvertures des romans d’amour des années 50/60.
L’approche de Tom King pour déconstruire les contes romantiques classiques révèle l’étincelle d’une idée intéressante. Cependant, le récit global souffre d’un manque de nuances et de clarté qui laisse le lecteur sur sa faim. Il est à espérer que les prochains numéros parviendront à donner une direction plus précise à cette exploration complexe des liens entre le temps et l’amour, afin de pleinement exploiter le potentiel de l’œuvre.
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